Une comédienne lumineuse, entre passion, justesse et liberté
Actrice, réalisatrice, voix emblématique du petit écran, Vinciane Millereau incarne la polyvalence et la sincérité du métier d’artiste.
Révélée par son travail avec des cinéastes prestigieux comme Paul Verhoeven et Patricia Mazuy, elle navigue entre cinéma, télévision, théâtre et réalisation avec une curiosité insatiable.
Dans cet entretien, elle revient sur ses collaborations marquantes, sa vision du jeu d’actrice, la force du théâtre et son amour pour la mise en scène.
Une conversation pleine de passion, d’humilité et d’humanité à l’image de son sourire et de sa carrière.

Vous avez travaillé avec des réalisateurs tels que Paul Verhoeven, Patricia Mazuy ou Régis Roinsard. Quelle collaboration vous a le plus marquée et pourquoi ?
Parmi les trois noms que vous citez, deux m’ont particulièrement marquée : Paul Verhoeven et Patricia Mazuy.
Paul Verhoeven d’abord. Travailler avec un réalisateur de cette envergure, c’était une immense joie ! J’ai passé des essais, j’ai été prise sur son film et j’avais adoré le scénario. J’aime profondément son cinéma — que ce soit Starship Troopers ou Basic Instinct. C’est, selon moi, l’un des plus grands réalisateurs de la planète. Alors, vous imaginez : pour une comédienne, se retrouver sur un projet signé Paul Verhoeven, c’est un rêve !
Sur le tournage, j’ai découvert un “petit garçon de 80 ans”, plein d’enthousiasme et d’énergie. J’étais très stressée, mais il a cette façon incroyable de chercher sans cesse, même s’il sait exactement ce qu’il veut. Ce fut une expérience magnifique.
La deuxième, c’est Patricia Mazuy. J’adore son cinéma et j’ai adoré travailler avec elle. Nous avons gardé un lien très fort : je déjeune encore avec elle demain ! C’est une femme brillante, d’une grande intelligence et d’une sensibilité rare.
Quant à Régis Roinsard, j’avais une toute petite participation sur son film, un projet très choral. Mon rôle était modeste, mais j’ai pris beaucoup de plaisir à y participer, d’autant que Frédéric Kimin, un grand ami, faisait partie du film.
Vous évoquiez Bowling Saturne de Patricia Mazuy. Que retenez-vous de cette expérience ?
C’est un film sombre et intense. J’y incarne une mère désespérée qui tente de faire entendre sa détresse face à la souffrance de sa fille. Il y a notamment une scène où elle découvre que sa fille s’est suicidée au pied de l’immeuble. C’était bouleversant à jouer.
Il faisait très froid ce matin-là, et je me suis totalement mise dans la peau de cette mère. J’ai moi-même une fille du même âge, donc c’était un rôle chargé émotionnellement. J’ai ressenti un désespoir absolu, et je crois que cela se voit à l’écran.
Entre films historiques, contemporains ou satiriques, avez-vous un registre de prédilection ?
Pas vraiment. J’aime surtout ce qui est bien écrit. Mais j’ai une affection particulière pour les films historiques : les costumes, l’ambiance, tout cela aide énormément à entrer dans le personnage. Quand on enfile un costume d’époque, on est immédiatement transporté ailleurs. J’avais adoré cela sur la série Versailles.
Benedetta a été présenté en compétition officielle à Cannes en 2021. Qu’avez-vous ressenti ?
Une immense fierté ! Aller à Cannes, entourée de tous ces talents, c’était incroyable. Et puis, travailler avec Paul Verhoeven… c’est un privilège rare. J’ai une admiration sans bornes pour lui.
Vous jouez aussi beaucoup pour la télévision. Qu’est-ce qui change entre jouer pour la télé et pour le cinéma ?
Principalement le rythme. En télévision, tout va très vite : il faut être immédiatement juste. Au cinéma, on a un peu plus de temps pour chercher, pour explorer. Et ça change tout.
Quel souvenir gardez-vous de J’ai tué mon mari, présenté à La Rochelle ?
Un excellent souvenir ! J’y jouais un rôle que j’aimais beaucoup, dans une ambiance nocturne, un peu feutrée. Il y avait quelque chose de très cinématographique dans cette série.
Et un rôle télévisuel qui vous a particulièrement challengée ?
Tous, à vrai dire ! Chaque projet est un défi : on veut toujours être à la hauteur. Mais La Peste, adaptée de Camus, était particulièrement prestigieuse et exigeante.
Vous avez aussi réalisé plusieurs courts-métrages. Qu’aimez-vous dans ce format ?
J’adore le court-métrage. D’abord parce que c’est souvent la porte d’entrée des réalisateurs et réalisatrices. Et puis c’est un format libre, où l’on sent une vraie passion.
Mon mari a écrit l’un de mes courts, et j’en ai réalisé un autre, Barbie Girls, dans lequel je joue aussi. C’était très formateur : réaliser et jouer en même temps permet de dépasser la peur de la caméra. On se concentre sur le plan, sur la mise en scène, et le jeu devient plus naturel, plus fluide.
Vous venez aussi du théâtre. Qu’est-ce que cette expérience vous apporte à l’écran ?
Le théâtre, c’est l’essence même du jeu d’acteur. On se confronte au public, au texte, au risque du direct. Au cinéma, on vit des instants de grâce fugaces ; au théâtre, on plonge dans une heure et demie d’émotion pure.
Un bon comédien de théâtre fera toujours un bon acteur de cinéma, mais l’inverse n’est pas toujours vrai. J’aimerais beaucoup y retourner d’ailleurs.
Vous avez coécrit C’était mieux demain avec votre compagnon. D’où vous est venue cette envie d’écriture ?
On avait envie d’explorer les rapports hommes-femmes sous un angle différent. Nos enfants ont le même âge que ceux du film, donc on s’est inspirés du réel, mais avec légèreté. L’écriture est un vrai travail de structure un peu comme construire une maison. C’est difficile mais passionnant.
Vous jonglez entre plusieurs casquettes : actrice, réalisatrice… Comment trouvez-vous l’équilibre ?
J’aime la diversité ! Je fais de la voix depuis 25 ans, notamment pour une chaîne télé. Je trouve important de se diversifier dans ce métier. Faire toujours la même chose, je m’ennuierais vite !
Si vous deviez choisir entre jouer et réaliser ?
Réaliser. On est maître du projet de A à Z, et c’est un plaisir immense.
Le rôle de vos rêves ?
Une enquêtrice à la Jodie Foster ! Forte, intelligente, un peu torturée. Et pourquoi pas à l’international ?
Une question qu’on ne vous pose jamais ?
(Rires) Peut-être : “Êtes-vous heureuse ?” Et je répondrais que le bonheur n’est pas un état permanent, ce sont des instants. Et j’en vis beaucoup.
Propos recueillis par Stéphanie
Photos : Carlotta Forsberg