Salif Cissé : « Météors est sombre, mais lumineux grâce à ses personnages »

Nous avons rencontré Salif Cissé au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF), où il est venu présenter Météors. Seul représentant du casting sur place, l’acteur nous a parlé avec passion de cette aventure cinématographique, de ses partenaires de jeu, mais aussi de la résonance sociale du film.

Qu’est-ce qui vous a attiré dans le scénario de Météors ?

Déjà, la façon dont il est écrit. Je trouve que c’est un très beau scénario. C’est dommage que beaucoup de gens n’auront pas l’occasion de le lire, mais à travers le film on retrouve cette force qui en émane.
On voyait le film partout, il débordait de toutes parts. Je n’étais pas encore allé à Saint-Dizier, là où on a tourné, mais j’avais déjà l’impression de voir les images un peu partout.

Et puis, ce trio d’amis est très touchant. Il représente un aspect de la masculinité que je n’ai pas souvent vu au cinéma. Quelque chose de très doux, un peu maladroit, d’“idiot magnifique”. Ce sont des personnages qui ne sont pas misérables, mais qui sont un peu perdus dans ce monde. Ça m’a beaucoup parlé par rapport à mon propre vécu.

Comment décririez-vous l’univers du film et la dynamique entre les trois amis ?

Je décrirais le film comme un film de territoire. Il est assez sombre, aussi bien dans ses couleurs que dans ses horizons. Mais en même temps, il y a quelque chose de sublime chez ces personnages. Ils sont drôles, lumineux parfois, même s’ils évoluent dans un univers terne et un peu étouffant. Ce contraste lui donne un charme inexplicable.

Le film mélange humour noir, amitié et critique sociale. Comment avez-vous trouvé l’équilibre dans votre jeu ?

J’ai surtout cherché à porter la complexité de mon personnage : un jeune papa, chef d’entreprise dans le BTP, qui travaille dans un environnement nucléaire. Ce n’est pas reluisant, mais il faut bien que quelqu’un le fasse.
En même temps, il est profondément attaché à ses deux amis. Il est attendri par eux, a envie de rester à leurs côtés, mais il est tiraillé entre cette amitié et sa vie personnelle.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué en incarnant ce personnage ?

Sa solitude dans le trio. Il est entouré, mais il se sent seul. On le voit dans la mise en scène : il a souvent des plans isolés, comme s’il n’était pas compris par les autres. Il y a un décalage fort, mais malgré cela il veut rester avec eux. Cette tension m’a beaucoup touché.

Quelle a été la scène la plus difficile à tourner ? Et la plus drôle ?

La plus difficile, c’est sans doute celle du Burger King. J’y annonce une disparition à un des personnages. C’était un moment où il fallait à la fois faire avancer la narration et transmettre toute l’émotion du personnage. Pas évident.
La plus drôle, sans hésitation : la course-poursuite avec le chat ! Déjà en lisant le scénario je pleurais de rire, et ça m’a encore fait rire une fois tourné.

Comment s’est passée la collaboration avec Paul Kircher et Idir Azougli ? Une anecdote de tournage?

Avec Paul et Idir, c’était une aventure de tous les jours ! Ces deux-là ne suivent aucune règle sur un plateau (rires). Ils sont pleins d’énergie, toujours à faire des blagues, à courir partout, à se cacher… comme de grands enfants.
Je pourrais raconter une anecdote, mais ce serait réducteur. Ce que je retiens, c’est surtout ces moments au HMC, tôt le matin : il y avait toujours de la musique, des danses improbables. Même à 6h, on arrivait à faire rire et bouger les gens qui essayaient de rester sérieux.

Le film parle de rêves brisés, de galères, de survie. Est-ce que ça résonne avec ce que vous observez dans la société aujourd’hui ?

Oui, clairement. Pas dans toutes les couches de la société, mais dans certains territoires, oui. J’ai grandi à la Courneuve, en Seine-Saint-Denis, et j’ai aussi vu ça à Charleroi ou à Saint-Dizier. Ce sont des villes marquées par la désindustrialisation, un peu mises à l’écart, qui ressemblent parfois à des fantômes avec leurs usines abandonnées.

Travailler dans une “poubelle nucléaire” est une image très forte. Comment l’avez-vous interprétée en tant qu’acteur ?

Honnêtement, je ne me suis pas posé mille questions. Évidemment, parler du nucléaire, c’était nécessaire, surtout de l’injustice sociale qu’il représente. Mais sur le plateau, c’était très pragmatique : le personnage a son casque, sa combinaison, son bip. Tu fais ton travail. La réflexion se fait avant, mais sur le moment, tu joues.

Le film est sélectionné au FIFF. Qu’est-ce que ça représente pour vous ?

C’est un honneur. Dommage que je sois le seul à avoir pu faire le voyage, j’aurais aimé être accompagné de mes copains de tournage. Mais c’est déjà un immense privilège d’être ici, dans un grand festival.

Quel type de rôle aimeriez-vous explorer à l’avenir ?

J’aimerais ne pas faire de liste et me laisser surprendre par ce qu’on m’offrira.

Si vous deviez résumer l’expérience de Météors en trois mots ?

Vibrante, puissante et douce.

Propos recueillis par Stéphanie

Photo : Médias tout azimut