Avec une carrière riche qui traverse le cinéma, la télévision, le théâtre et même la mise en scène, Sabine Cissé est une comédienne aussi discrète que talentueuse. Du rôle de Lili Sango dans Plus Belle la Vie à celui de Bérénice sur les planches, en passant par Amantes de Caroline Fournier ou encore ses propres mises en scène, elle incarne une diversité artistique passionnante. Rencontre avec une artiste complète.

Vous êtes à l’affiche d’Amante en 2024, réalisée par Caroline Fournier. Quel rôle jouez-vous et qu’est-ce qui vous a attiré dans ce projet ?
Je joue le rôle d’une jeune femme en perte de repères. Elle vient de se séparer de sa compagne et décide d’aller consulter un psy. C’est là qu’elle tombe amoureuse de sa psy.
Vous avez aussi travaillé à plusieurs reprises avec René Manzor,notamment sur Maddy Echteban et Alice Nevers. Qu’est-ce qui vous a séduite dans sa direction d’acteurs ?
Je crois que c’est avant tout sa gentillesse et son écoute. C’est un très bon directeur d’acteurs dans le sens où il prête vraiment attention aux comédiens. Il prend le temps de les diriger, de les écouter, de les comprendre, ce qui est rare et précieux. J’ai beaucoup apprécié cette qualité chez lui.
Vous avez eu des rôles marquants dans Julie Lescaut, Famille d’accueil ou encore Scène de ménage. Comment choisissez-vous vos personnages ?
Je ne choisis pas vraiment mes rôles, ce sont eux qui viennent à moi.
J’aimerais pouvoir choisir, mais en général, c’est le casting qui décide. Si j’ai la chance d’obtenir un rôle, il est pour moi, sinon je continue à chercher.
Y a-t-il un rôle à la télévision qui vous a particulièrement marqué ou transformé en tant qu’actrice ?
Oui, c’est celui de Lili Sango dans Plus belle la vie, mon tout premier rôle.
Vous avez tourné dans des projets très variés, comme Tenir tête ou Ça ne va pas être possible. Comment gérez-vous cette diversité de formats et de tons ?
Plutôt instinctivement. Je me laisse porter par la découverte du personnage et je cherche toujours à l’interpréter au mieux, sans me poser trop de questions. C’est un processus très naturel.

Vous avez incarné Bérénice dans la tragédie de Racine, un rôle
emblématique. Comment avez-vous abordé cette figure intense du répertoire classique ?
Je l’avais déjà étudiée lors de ma formation en théâtre, donc je connaissais le personnage. À l’époque, je ne pensais pas encore
l’interpréter un jour. Lorsque l’occasion s’est présentée, c’était un one-shot, avec seulement trois semaines de répétition. C’était une belle pression, mais très plaisant, même jouissif. Il fallait que je donne tout pour cette seule représentation.
Bérénice est un personnage extraordinaire, intense et fort. J’ai voulu y apporter ma touche, et le metteur en scène Paco Leonarte, très bon directeur d’acteurs, m’a mise à l’aise. Parmi mes rôles, c’est l’un des plus forts, même si je ne l’ai joué qu’une seule fois.
Qu’est-ce que le théâtre vous apporte que la télévision et le cinéma ne vous donnent pas ?
La sensation de toujours recommencer, car chaque représentation est unique. Jouer devant un public, ressentir les émotions partagées en direct, c’est intense et magique. Si je devais choisir, je prendrais le théâtre pour son intensité et la relation au groupe. Le fait d’être face au public, avec la possibilité d’improviser, fait toute la différence.
Contrairement au cinéma où l’on tourne une ou deux prises et on s’arrête là, au théâtre le personnage évolue constamment.
On vous retrouve dans le moyen-métrage Victime. Pouvez-vous nous parler de ce film et de votre rôle ?
Je connais une actrice qui joue un rôle dans ce film, Salimata Kamate, que j’ai coachée sur un autre projet. J’ai lu le scénario et j’ai été immédiatement touchée par le sujet, qui traite des violences conjugales. Même si je n’en ai pas été victime, j’en ai entendu parler autour de moi, et je trouve important de raconter ces histoires. Ce film est inspiré d’une expérience personnelle du réalisateur Yaya Bouba Timera. J’ai beaucoup encouragé ce dernier à me laisser passer un casting pour participer au projet, ce qui a été une chance. Je voulais contribuer à cette libération de la parole sur ce sujet sensible.
Vous avez aussi participé à des clips, comme Expression directe ou Seyfu. En quoi est-ce une autre manière de jouer ?
C’est complètement différent. Dans les clips, il y a rarement de la parole, ce sont surtout des images avec la musique en fond. C’est un autre travail sur l’image et le jeu corporel. Par exemple, Expression directe était un spot pendant les législatives, pour promouvoir un candidat. C’était une expérience intéressante, même si je ne suis pas sûre de vouloir la renouveler.
Vous êtes passé à la mise en scène avec Entre deux étages, puis La place du mort. Qu’est-ce qui vous a poussé à franchir ce cap ?
J’ai toujours aimé la direction d’acteurs depuis que je suis jeune. J’ai commencé très tôt le théâtre, j’aime être sur scène, mais aussi accompagner les comédiens dans leur interprétation. J’ai attendu plusieurs années avant de me lancer dans la mise en scène. Entre deux étages, une pièce d’Ambre Kuropatwa que j’avais vue et adorée, m’a donné envie de la mettre en scène. Ça a été un travail long et exigeant, mais très enrichissant. Pour La place du mort, j’ai été assistante mise en scène, sur la pièce d’un ami, Ambroise Michel, un des acteurs principaux de Plus Belle la Vie. C’était très intéressant de découvrir son univers d’une autre façon et de participer à son projet.
Comment décririez-vous votre méthode de travail en tant que metteuse en scène ?
Je travaille beaucoup à l’instinct, en me concentrant sur la personne en face de moi. J’aborde le travail par des petits exercices sur le corps,la voix, les déplacements. J’écoute beaucoup, puis je guide du mieux que je peux, en essayant de créer un espace où les comédiens ne craignent pas l’erreur, car se tromper permet de chercher, d’approfondir et de trouver l’essence du personnage. C’est une approche simple, intuitive,sans règles fixes. Je me suis beaucoup inspirée de mes professeurs de théâtre, que j’ai observés attentivement.
Quel serait le projet de mise en scène rêvé pour vous ? Une pièce, un auteur ou une thématique ?
Je parlerais plutôt d’une thématique, notamment autour de la place des femmes dans ce monde, celles d’aujourd’hui, celles d’hier et celles de demain, des violences faites aux minorités (femmes, enfants etc). Ce sont des sujets que j’aimerais vraiment aborder. Actuellement, je travaille sur un court-métrage dont le thème est l’emprise, ce serait un sujet parfait pour une première réalisation.
Vous avez touché à presque tous les formats artistiques : théâtre,télévision, cinéma, opéra… Comment définissez-vous votre parcours ?
Un joli chaos, je dirais ! Je ne me ferme aucune porte et je me laisse le temps de découvrir et d’apprendre. Chaque expérience est bonne à prendre. Je ne me fixe pas d’objectifs stricts. Je passe par des chemins de traverses, et c’est ce qui me définit. Parfois, si un projet ne m’intéresse pas, je ne m’y investis pas.
Vous avez été influencée par le cinéma américain, notamment par l’Actor Studio. Pouvez-vous en dire plus ?
Oui, j’aurais aimé être formée aux États-Unis, mais mon anglais n’est pas très bon. J’admire leur manière de travailler les personnages, très différente de la tradition française. J’ai beaucoup regardé de films anglais, américains et français, mais l’influence principale reste américaine.
Quel type de rôle aimeriez-vous interpréter ?
Des femmes fortes, avec un parcours difficile, un lien avec mon propre parcours sûrement, des personnages badass qui se battent pour un monde meilleur et contre l’injustice. J’aimerais aussi incarner des femmes fortes, puissantes : médecin, infirmière, maman, médecin légiste, directrice d’une grande agence de communication, pourquoi pas, ou a la tête d’une grande entreprise, ce genre de rôles seraient géniaux.
Pour finir, quels sont vos projets à venir et que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Je travaille sur l’écriture d’un court-métrage depuis sept mois. J’aimerais beaucoup retourner au théâtre et décrocher de nouveaux rôles,car ça me manque. Ça fait un an que j’ai tourné Amante et Salma. Je souhaite aussi pouvoir tourner à nouveau dans des séries et au cinéma.
Propos recueillis par Stéphanie
Photos : @gwennolalj
Agence Singularist Paris : agent Marie Mingalon
