Rencontré lors du Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF), Raphaël Kaddour nous a parlé de son film Buda, une plongée sensible dans le quotidien des recyparcs de Wallonie. Inspiré par les anecdotes de son père, lui-même ouvrier dans ce secteur, le jeune réalisateur a choisi de braquer sa caméra sur ceux qu’on voit trop peu : les travailleurs qui accueillent, orientent et accompagnent les usagers au quotidien. Entre documentaire d’observation et récit cinématographique, son film capte l’humanité de ces hommes et leur place essentielle dans la société, souvent ignorée.

Comment est née l’idée de filmer le quotidien dans les recyparcs ?
En fait, mon père travaille dans les recyparcs en Wallonie et il me racontait souvent ses anecdotes de boulot. Ça m’a nourri et donné envie de poser un regard cinématographique sur cet univers.
Et qu’est-ce qui vous intéressait le plus ? Les déchets ? Les usagers qui les déposent ?
Je dirais plutôt les ouvriers qui les réceptionnent. Ceux qui sont là au quotidien, qui orientent les usagers, qui discutent entre eux. Leur vie, leurs échanges, c’est ça qui m’a vraiment animé dans mon désir de cinéma.
Comment avez-vous gagné la confiance des ouvriers pour filmer leur travail et leurs interactions ?
Un mot : le temps. On a passé beaucoup de temps avec eux, à les écouter, parfois même à participer à leur journée. Une confiance s’est créée naturellement, parce qu’ils ont senti que je n’avais pas de mauvaises intentions. C’est comme ça qu’on a pu construire le film ensemble.
Le film est très court, mais il capte une ambiance forte. Comment avez-vous choisi quoi garder et quoi couper au montage ?
C’est une très bonne question. J’avais un monteur avec un regard à lui. On s’est surtout concentrés sur la narration, sur la manière de susciter de l’empathie pour ces hommes. On a cherché à installer des moments de climax pour attirer l’attention et toucher le spectateur.
Est-ce que vous considérez ce film comme un regard social sur le travail de l’ombre ?
Oui, tout à fait.
Qu’est-ce que ce tournage vous a appris sur les ouvriers, au-delà de leur métier ?
Que dans la vie, on fait des choix. Ce ne sont pas toujours ceux dont on est le plus fier, mais j’ai rencontré des hommes qui assument leurs responsabilités. Ils font ce métier non seulement pour eux, mais aussi pour leur famille. Ça m’a beaucoup marqué.
Comment avez-vous trouvé l’équilibre entre documentaire d’observation et mise en récit ?
J’avais déjà des envies de cinéma en arrivant. Mais c’est vraiment au montage que tout s’est joué. On imaginait un pic de tension, mais finalement, on s’est laissé surprendre par les rushs. Le récit s’est construit à ce moment-là.
Qu’aimeriez-vous que le public retienne en sortant de la salle ?
J’aimerais que, lorsqu’ils iront jeter leurs déchets dans un recyparc, les spectateurs portent un autre regard sur ces hommes. Souvent, ce regard n’est pas positif, mais peut-être qu’avec ce film, on pourra créer un sentiment d’empathie.
Votre film s’appelle Buda. Comment le prononce-t-on ?
Moi je dis Buda. Mais en salle de montage, certains disent Bouda. (rires)
Voyez-vous Buda comme un film unique ou comme une étape d’un projet documentaire plus vaste ?
Je pense que Buda est une étape. Il m’a donné la curiosité de continuer à explorer le monde du travail. Peut-être qu’il sera le tremplin pour un autre documentaire. Mais je me laisse aussi surprendre par la réalité.
Quel sera, selon vous, votre prochain terrain de cinéma ?
Parfois je me dis que je voudrais retourner explorer les recyparcs ou le monde du déchet et des ouvriers. Et d’autres fois, j’ai envie de filmer les tunnels de métro de la STIB. C’est un peu underground (rires), mais c’est une envie, rien de concret pour l’instant.
Propos recueillis par Stéphanie
Photos : Médias tout azimut