Depuis près de vingt ans, Lemon Straw évolue sur la scène pop belge avec authenticité et sensibilité. À la tête du projet, Giani écrit et compose des morceaux empreints de sincérité, portés par une voix juste et des arrangements soignés.
Influencé par les Beatles, Sting ou encore la new wave, il revendique une musique simple mais chargée d’émotions. Dans cet entretien, il revient sur la genèse du groupe, ses inspirations, son rapport au live, et les projets à venir dont un objectif de taille : remplir l’Ancienne Belgique en octobre 2026.

Pour commencer, pouvez-vous nous présenter Lemon Straw en quelques mots pour ceux qui découvriraient le groupe ?
Lemon Straw, c’est de la pop avec des mélodies simples, mais surtout où l’ADN, pour moi, c’est l’émotion. Qu’elle soit énergique ou mélancolique, je trouve que c’est vraiment le cœur du truc : c’est d’aller chercher, de jouer avec l’émotion.
Parce que les chansons, ce sont tous des petits bouts d’histoire, des histoires vécues. Moi, j’aime bien aussi raconter des histoires, des chansons, des scènes, et donc vraiment d’aller catcher l’émotion du public. Donc vraiment, le mot d’ordre pour Lemon Straw, c’est l’émotion.
Et comment a commencé l’aventure de Lemon Straw ? D’où vient ce nom intriguant ?
Elle a commencé il y a déjà presque 20 ans aujourd’hui. J’étais parti à New York et à Londres, et quand je suis revenu, j’avais quelques chansons. Avec Boris, on s’est dit qu’on pourrait peut-être commencer à fonder un groupe à deux.
Pourquoi Lemon Straw ? Parce que quand j’étais à Londres, j’ai bossé dans un bar, et je ne parlais pas très bien anglais à l’époque. Le boss me dit : « Johnny, can I have a straw? » Je dis oui, pas de problème, mais je ne savais pas ce que c’était, « straw ». Mon pote brésilien m’a dit : « Oui, straw, c’est une paille. » Et je ne sais pas pourquoi, j’ai gardé ce mot-là.
Lemon est un hommage à John Lennon. On a enlevé les deux « N » et on a mis un « M ». Quand j’étais à New York, je bossais pour une femme d’affaires qui habitait vraiment à quelques pas de l’endroit où John Lennon a été assassiné.
Comment se passe le processus de création au sein du groupe ? Est-ce une écriture collective, ou chacun apporte-t-il sa touche ?
J’écris et je compose des chansons, ensuite je les propose, et si on sent qu’il y a quelque chose, alors les musiciens apportent leur touche d’arrangement.

Quelles sont les principales influences musicales, que ce soit en termes d’artistes, d’époque, ou même de style ?
Le style, pour moi, c’est plutôt toujours la pop, le jazz, le blues. Sinon, les influences, ce serait Beatles, Sting, Led Zeppelin, Genesis, puis la vague des années 90 aussi : Oasis, Blur, Coldplay dans les années 2000.
Si je dois donner une période de référence, ce serait quand même entre 62 et 85.
Vos morceaux dégagent une vraie sincérité. Est-ce que l’écriture part toujours d’expériences vécues, ou parfois de fictions ?
Souvent c’est vécu, mais il y a des exceptions. Par exemple, « Angels Never Die » n’est pas une fiction, mais c’est inspiré d’un livre que j’avais lu, et je me suis recréé un scénario à moi dans ma tête, par rapport à cette histoire.
Sinon, généralement, j’essaie d’écrire sur ce que je vis, mais je ne parle pas toujours au premier degré. J’essaie de trouver une métaphore, une manière métaphorique d’exprimer ce que je ressens ou ce que je vois.

Vous avez une vraie présence. Quelle place occupe le live dans votre parcours artistique ?
Le live, c’est… comment dire ? C’est le contact. Pour moi, le live, c’est vraiment la manière de se mettre à nu, de créer un lien avec un public, et de faire vivre les chansons. J’ai vraiment besoin de ça.
Ces dernières années, j’ai aussi découvert que je n’avais pas envie de jouer un personnage. Le personnage, c’est moi, c’est le groupe. Je joue la carte de l’authenticité, ce n’est pas un rôle.
C’est beaucoup moins fatigant pour moi. J’aime bien être ce que je suis, et je me fiche de jouer quelqu’un d’autre.
La vie est déjà assez lourde comme ça, parfois, pour en plus jouer un autre personnage. Cela me va très bien, parce que depuis que j’agis comme ça, la communauté de Lemon Straw grandit beaucoup, et je me sens plus en accord avec ce que je fais.
Y a-t-il un concert qui vous a particulièrement marqué, ou un moment fort que vous gardez en mémoire ?
Un moment fort, c’est quand j’ai joué au Baudet’stival, juste avant Roger Hodgson de Supertramp. Pour moi, gamin dans les années 80, c’est un souvenir fort.
Sinon, je retiens souvent les concerts dans des petits lieux, avec une vraie proximité, des organisateurs passionnés qui font tout pour que cela se passe bien.
Dernièrement, j’ai eu deux beaux moments : à la Ferme Lekane à Liège, et aussi au Spirit of 66 à Verviers, un endroit mythique.
Maintenant, on espère faire un bon concert à l’Ancienne Belgique le 3 octobre 2026. On a fait beaucoup de sold-out cette année (10 sur 14 concerts), dans des salles entre 150 et 300 personnes. Si on veut passer à un autre niveau, il faut tenter de nouvelles choses, et on va tenter l’Ancienne Belgique.
Quelle relation entretenez-vous avec le public ? Est-ce différent selon les villes où tu joues ?
Oui et non. Le public n’est pas le même d’une région à une autre.
Quand tu joues dans un festival avec des milliers de personnes, la relation n’est pas la même que dans une salle de 150 à 500 personnes.
J’essaie toujours de garder ce côté authentique, mais en festival le set est plus court, donc je parle moins, pour pouvoir jouer plus.
Dans certaines régions comme Namur ou Liège, le public est beaucoup plus enthousiaste. Il y a quelque chose de particulier là-bas.
Après, ça ne veut pas dire qu’à Mons c’est nul, mais il y a une culture différente selon les régions, comparé à Luxembourg par exemple.
Quel regard portez-vous sur la scène musicale actuelle, notamment en Belgique ou en francophonie?
Je ne me pose pas trop la question, mais ce qui m’empêche d’avoir un regard très positif, ce sont les problèmes communautaires.
Les tensions entre Flandre et Wallonie sont très fortes et freinent le développement musical des deux côtés.
Il y a plein de belles choses dans chaque région, mais les frontières culturelles étouffent un peu tout le monde.
En Wallonie, parfois, on voit les mêmes affiches dans toutes les régions, ce qui manque un peu de diversité et de prise de risques.
Mais il y a aussi de très belles choses, comme Alice on The Roof, que j’ai vue il y a quelques mois, seule sur scène, et c’était extraordinaire.
Malheureusement, ces problèmes communautaires sont lourds dans le paysage musical belge, et je doute que cela change rapidement.
Y a-t-il des artistes avec lesquels vous rêveriez de collaborer un jour ?
Si je dois en citer un, c’est Sting. C’est un mec avec 50 ans de carrière, qui est resté intègre qualitativement, toujours juste. Il a une belle éthique, que ce soit humanitaire ou dans sa qualité de vie.
Si un jour on me proposait une collaboration avec lui, ce serait oui sans hésiter.
Quels sont les projets en cours pour Lemon Straw ?
Les projets en cours, c’est de continuer à beaucoup jouer, agrandir la communauté de Lemon Straw, faire de belles rencontres, et faire un sold-out à l’Ancienne Belgique l’année prochaine.
Je ne pense pas forcément à un nouvel album pour l’instant, mais plutôt à faire une belle tournée.
On a déjà fait beaucoup de dates, et on veut continuer à remplir des salles comme on le fait, avec l’objectif de passer un cap en jouant dans une salle aussi emblématique que l’Ancienne Belgique.
Ça permettrait d’avoir une certaine légitimité auprès des organisateurs qui n’osent pas encore prendre le risque de nous programmer.
Où aimeriez-vous voir le groupe dans quelques années ?
L’idée, c’est de sortir un peu de la Wallonie.
Si à chaque album on pouvait remplir l’AB, ça serait déjà une belle assise, et ce serait vraiment cool.
Après, on est un peu livré à nous-mêmes, on n’a plus de label, donc j’ai décidé d’être producteur, label, éditeur. C’est beaucoup de travail, mais paradoxalement, on a plus de résultats.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire de la musique à titre personnel ?
Bonne question.
Je ne sais pas trop, j’ai toujours chanté gamin.
Après, j’ai fait des boulots qui me faisaient vraiment chier, et je me suis dit : « autant essayer de faire quelque chose où je me sens bien, où j’ai une aptitude, où je peux apporter de la valeur ».
J’ai essayé plein de choses, mais la musique, c’est pour moi une sorte de méditation, un recentrage, une manière d’exprimer des émotions que je ne comprends pas toujours.
Que faites-vous quand vous ne faites pas de musique ? Avez-vous d’autres passions ou formes d’expression artistique ?
J’aime bien bricoler, rénover des maisons de temps en temps.
Ce n’est pas moi qui les fais entièrement, mais j’aime bien l’immobilier, j’ai grandi là-dedans avec mes oncles et mon père.
Sinon, j’aime bien aller au golf avec mon fils, et j’aime aussi ne rien faire de temps en temps.
Avez-vous un rituel avant de monter sur scène ou un objet fétiche que tu amènes partout avec toi ?
Je n’ai pas d’objet fétiche, mais j’ai un rituel qui change.
Ces derniers mois, j’essaie de m’isoler 5 à 10 minutes pour travailler ma respiration, pour être calme.
Je ne médite pas vraiment, j’aimerais bien y arriver, mais je ne suis pas encore à ce stade.
J’essaie de bien respirer et d’aller chercher une bonne énergie avant de monter sur scène avec les musiciens.
Ça ne pose pas de problème parce que ce sont des mecs super.
Propos recueillis par Stéphanie
Photos : Pascal Comblé et Mikhaël Brun