Andréa Brusque : « Il faut se faire confiance, se sentir libre et ne pas avoir peur de changer d’univers »

Actrice, metteuse en scène, autrice et même podcasteuse, Andréa Brusque est une artiste qui aime multiplier les terrains de jeu. Depuis ses débuts remarqués dans Orléans de Virgil Vernier, elle explore le cinéma d’auteur, les séries grand public comme Le Bureau des légendes, la comédie avec Boomers sur Instagram, tout en menant de front ses projets théâtraux et musicaux. Avec curiosité et liberté, elle navigue entre univers contrastés, toujours guidée par le désir d’être au plus proche du réel.

Vous avez travaillé avec des cinéastes très différents, comme Mia Hansen-Love, Thierry de Peretti, et Delphine Deloget. Qu’est-ce qui vous attire dans un projet de cinéma ?

Ce qui m’attire dans un projet de cinéma, c’est cet endroit de vérité. Souvent, ce sont des réalisateurs qui cherchent, à travers
l’improvisation et le sujet qu’ils abordent, à se rapprocher du réel.

Par exemple, Delphine Deloget vient du documentaire. Cela apporte un niveau d’exigence particulier : l’acteur doit être au plus proche de lui-même tout en incarnant un personnage. Ces réalisateurs « du réel » s’emparent d’une histoire et ont besoin d’y croire.

Thierry de Peretti, lui, vient du théâtre et aime retrouver un esprit de troupe. Il fait beaucoup de répétitions et travaille en amont. Comme j’ai commencé par le théâtre, j’apprécie particulièrement ce type de travail collectif où chacun est fédéré autour du projet.

Y a-t-il un rôle qui vous a le plus challengé émotionnellement ?

Mon premier rôle, c’était dans Orléans de Virgil Vernier. Je devais jouer une jeune danseuse qui rêve d’une grande carrière, mais se retrouve à faire du pôle dance à Pigalle. Le réalisateur, lui aussi issu du documentaire, voulait travailler avec de vrais gens plutôt que des acteurs.

Pour le casting, j’ai dû lui faire croire que j’étais vraiment danseuse. J’ai appris le pôle dance et tourné avec des personnes non comédiennes. C’était un rôle extrêmement challengeant : il fallait mêler le réel et
la fiction. C’est là que j’ai appris à travailler sur « l’être là », sur le non-jeu.

Comment préparez-vous vos rôles ?

J’aime m’immerger dans l’univers du personnage : observer son langage,
sa manière de s’habiller… Ensuite, je reste ouverte à l’ambiance sur le
tournage et aux autres acteurs, qui peuvent me guider vers de nouvelles
perceptions du personnage. La préparation est donc un équilibre entre
recherche en amont et adaptation sur le plateau.

Y a-t-il un genre que vous aimeriez explorer au cinéma ?

La comédie ! En ce moment, je joue dans la web-série Boomers sur Instagram, écrite et réalisée par Benoît Blanc et Riad Ghami. On s’éclate, et la saison 2 arrive bientôt. Mais j’aimerais vraiment retrouver la comédie sur grand écran.

Quel rôle ou rencontre a marqué un tournant dans votre carrière ?

Virgil Vernier a été un vrai déclencheur. Son film m’a ouvert les portes du cinéma d’auteur et m’a appris à jouer face à la caméra. C’est un rôle qui m’a poussée à oser et à explorer des nuances très sensuelles.

Vous naviguez entre séries policières et comédies. Comment vivez-vous cette variété d’univers ?

C’est très excitant ! Par exemple, dans Têtard, beaucoup d’improvisation est possible, tandis que Le Bureau des légendes exige une précision extrême. Pouvoir osciller entre ces univers est une chance et un vrai plaisir.

Quels souvenirs gardez-vous du tournage du Bureau des légendes ?

J’ai adoré travailler avec Sara Giraudeau, Éric Rochant et Mathieu Demy. Éric avait un regard extrêmement précis : il voyait à la fois le détail et l’ensemble. C’était aussi la première série française avec un showrunner à l’américaine, et une grande porosité entre cinéma et télévision s’est installée.

Comment vous adaptez-vous au rythme du tournage télévisé ?

Il faut être extrêmement autonome et efficace : anticiper et s’adapter à la cadence rapide. Parfois, certains
réalisateurs offrent plus de marge, mais l’exigence reste forte.

Vous êtes aussi autrice et metteuse en scène. Qu’est-ce que cela change dans ton rapport au théâtre?

Le désir est différent. En tant qu’actrice, on se laisse guider et on est projetée par les autres. En mise en scène, on pilote, on dirige, on prend des décisions pour la création et la pensée politique ou
artistique. J’adore travailler avec les comédiens et les mettre en valeur.

Pouvez-vous nous parler de Coriace ?

Coriace est un seule en scène mis en scène par Laurent Gutmann. Le spectacle mêle stand-up, immersion dans un EHPAD et moments dramatiques. C’est un projet très personnel que je mène avec ma compagnie Futuracte.

Qu’est-ce qui rend le Festival d’Avignon unique pour vous ?

C’est une expérience collective intense. On joue tous les jours pendant un mois, avec beaucoup de spectacles et de professionnels. Chaque représentation est différente, et le lien avec le public est immédiat. C’est épuisant, mais magnifique.

Vous avez aussi réalisé plusieurs podcasts. Qu’est-ce qui vous séduit dans ce format ?

Le format audio est une liberté créative. Il sollicite l’imaginaire de l’auditeur et crée une intimité particulière. C’est proche du théâtre et
du cinéma : on travaille sur la voix et la présence sans être observé.

Avec le recul, que diriez-vous à la jeune Andréa Brusque qui débutait dans les Bleus en 2009 ?

Qu’il faut se faire confiance, se sentir libre et ne pas avoir peur de changer d’univers. On peut explorer différents styles et rester soi-même, son désir reste le fil conducteur.

Si votre carrière était un cocktail, quel goût aurait-il ?

Le cocktail aurait un goût explosif.

Quels sont vos projets à venir ?

Je prépare un concert autour des textes de Marie-Josée Vilar et Manuela Brusque. Je travaille aussi sur Les Héritiers, une création d’Hélène François, et la saison 2 de Boomers. Avec ma compagnie Futuracte, nous préparons Andromaque de Jean Racine et une nouvelle comédie.

Propos recueillis par Stéphanie

Photos : Lucie Sassiat