Alexandre Lemoine Courx est réalisateur et scénariste depuis plus de deux décennies. Depuis ses premières expériences avec des courts-métrages et des documentaires, jusqu’à ses collaborations avec Canal+, Arte ou encore des campagnes institutionnelles et publicitaires, il n’a cessé de suivre sa passion pour raconter des histoires. Dans cette interview, il revient sur son parcours, ses sources d’inspiration, ses succès, mais aussi sur les projets qui lui tiennent le plus à cœur, comme La Hess, À l’aube, je refais ma vie ou son dernier projet Une noix dans le potage. Une rencontre avec un artiste passionné qui allie créativité, engagement et liberté.

Pourrais-tu nous parler un peu de ton parcours et de ce qui t’a poussé à devenir réalisateur et scénariste ?
Oui, alors, qu’est-ce qui m’a poussé à devenir réalisateur et scénariste ? Eh bien, dès mon enfance, j’adorais raconter des histoires et j’avais une vraie passion pour la photographie.
Je développais mes photos moi-même et j’étais fasciné par la technique. Souvent, en prenant une photo, j’écrivais un petit poème autour, ça m’inspirait énormément.
À l’école, je ne trouvais pas vraiment ma place. Le système scolaire strict ne correspondait pas à ma façon de réfléchir. J’ai donc cherché des formations plus adaptées et j’ai commencé à créer mes propres projets. En parallèle, j’étais très imaginatif : je jouais avec des Playmobil en recréant des scènes entières que j’inventais, ou je m’inventais des mondes dans lesquels je pouvais raconter mes histoires. Petit à petit, grâce aux réseaux que j’ai pu créer et aux premiers projets que j’ai réalisés, j’ai commencé à me faire une place dans le milieu du court-métrage, remportant plusieurs prix et réalisant des commandes pour des associations et des productions locales.
Ton projet Midi 20 a remporté le prix du meilleur documentaire professionnel. Quels souvenirs gardes-tu de cette expérience ?
C’était incroyable ! À l’époque, nous avions créé un groupe appelé La Famille, composé de personnes qui deviendraient très connues plus tard, comme Le Grand Corps Malade et Fabien. Il y avait aussi des acteurs comme Alvan Ibanov et Jacques Ido, qui avait travaillé aux États-Unis sur des projets tels qu’Inglourious Basterds.
Nous nous réunissions tous les premiers vendredis du mois pour partager nos créations : slams, vidéos… c’était la genèse de notre travail collectif. Quand Le Grand Corps Malade a commencé à se faire connaître et à tourner un clip avec un vrai budget, on m’a demandé de m’occuper du making-of. Ce fut ma première expérience de documentaire : liberté totale, montage soigné et utilisation de la musique pour créer un effet proche du clip. La récompense est venue avec le prix du meilleur documentaire professionnel dans un festival, et cela m’a donné une immense satisfaction et beaucoup appris sur le professionnalisme dans ce métier.
Quelles ont été tes premières sources d’inspiration dans le cinéma et la télévision ?
Mes premières influences étaient variées. D’un côté, j’aimais beaucoup les films comiques français et le cinéma du Splendid, comme Michel Blanc ou Pierre Richard. Ensuite, la Nouvelle Vague m’a marqué, notamment Ascenseur pour l’échafaud d’Olivier Ouimal, pour sa liberté de réalisation et ses longs plans-séquences dans la rue. Enfin, j’étais passionné par le cinéma américain : E.T. ou Indiana Jones m’ont plongé dans des univers fantastiques dès l’enfance.

Comment as-tu débuté concrètement dans ce métier ?
Il y a 24 ans, j’ai tenté ma chance dans un club de football près de Lyon. J’ai été sélectionné, mais mon cœur était ailleurs : six mois plus tard, je jouais dans des catégories plus faibles.
Pendant ce temps, j’écrivais des histoires sur mon ordinateur et je tournais ma première histoire. Même face aux critiques, j’ai compris le potentiel de l’image pour raconter et toucher les gens.
De retour à Paris, j’ai participé à un concours de scénarios contre le racisme et j’ai gagné avec une histoire sur un enfant trisomique qui voulait jouer au foot. Cela m’a permis de rencontrer des réalisateurs, de créer mon association et de suivre des formations en écriture, montage et réalisation. Petit à petit, je suis devenu intermittent du spectacle, développant mes projets, réalisant des courts-métrages pour la télévision (Arte, Canal+), des films institutionnels pour des entreprises et des prestations drone pour le documentaire et la télévision.
Tu as réalisé plusieurs publicités, notamment pour la Commission européenne. Comment passe-t-on d’un documentaire à un format publicitaire ?
Ah, c’est une belle aventure ! J’avais déjà fait des courts-métrages et une série intitulée Courser de merde avec Julien Courbey et Khalid Madour. Une entrepreneuse m’a contacté pour un concours européen sur l’entrepreneuriat, où il fallait réaliser de fausses pubs. Trois vainqueurs étaient récompensés à Bruxelles et les 40 premiers invités à rencontrer d’autres entrepreneurs.
J’ai créé Prenons-nous dans les bois, l’histoire d’une femme qui, après un échec amoureux, décide de vivre dans la nature de manière écologique. On a tourné avec une équipe complète, dans l’école de mon fils, avec plein d’enfants et comédiens. Six mois plus tard, nous avons remporté le premier prix, sur plus de 300 participants ! 🎉
Plus tard, au Cameroun, j’ai tourné une autre pub : un garçon voulait créer un rouge à lèvres adapté au soleil africain. Ce projet m’a permis de remporter le deuxième prix.
Peux-tu nous raconter ta collaboration avec Canal+ et Khalid Madour pour les sketchs hebdomadaires ?
J’ai rencontré Khalid via Jackie Hiddo. Khalid cherchait un réalisateur pour une série de sketches inspirés du Petit Rapporteur de Jacques Martin, et j’ai tourné pour Canal+ pendant un an. On enregistrait chaque vendredi pour diffusion le dimanche. Cela m’a beaucoup formé et m’a ensuite permis de créer Host TV, une chaîne sur la prévention et les conduites à risque chez les jeunes.
Qu’est-ce qui te motive à aborder des sujets de prévention auprès des jeunes ?
J’ai toujours aimé traiter des sujets sérieux avec humour et pédagogie. Avec Host TV, l’objectif était de créer un lien entre parents et enfants. Beaucoup de films ont été sélectionnés en festival, et j’ai pu trouver des financeurs comme la préfecture de Paris ou la Mildeca. Abdou Ndiaye, un psychologue, m’a beaucoup aidé à structurer ces contenus.
Tu as également réalisé des campagnes contre le cancer avec l’association Lalla Salma. Qu’est-ce qui t’a touché dans ce projet ?
Cela se passait au Maroc pour une campagne soutenue par la princesse. Nous avons tourné dans des zones contaminées par d’anciens explosifs espagnols. Ce fut très marquant, car il s’agissait de prévention dans des zones oubliées. J’ai aussi tourné des documentaires scénarisés sur le football africain après la Coupe du Monde 2018, avec des enfants et des familles dans des villages reculés.
Ton premier long-métrage, La Hess, est sorti début 2023. Quel a été le plus grand défi ?
La réalisation elle-même. J’avais créé une série de 8 épisodes sur un jeune garçon paumé confronté à la vie et aux jeux d’argent, commandée par la Française des Jeux. Après avoir tourné les premières minutes, j’ai pris plaisir à développer l’histoire. La Française des Jeux m’a finalement laissé carte blanche pour transformer le projet en long-métrage. C’était très gratifiant intellectuellement, presque comme devenir millionnaire… sans l’argent !
Peux-tu nous parler de ton film À l’aube, je refais ma vie ?
Inspiré d’un fait divers : un SDF trouve 300 000 euros dans des sacs de la Brinks. J’ai centré le récit sur un Malien clandestin et Marianne, une femme qui dirige une petite usine en danger. Ensemble, ils doivent sauver l’usine tout en gérant des intrigues locales. J’ai travaillé le scénario pour mêler humour, tension et drame.
Et ton dernier projet, Une noix dans le potage ?
C’est mon projet le plus passionnant actuellement. Marianne doit sauver son usine de fruits à coque. Elle rencontre Amar, un jeune homme caché, et ensemble ils montent un plan astucieux. L’histoire mélange drame, humour et action, tout en restant proche des réalités rurales. Je poursuis aussi des tournages en Allemagne, aux Pays-Bas et en Norvège.
Propos recueillis par Stéphanie