Marie-Hélène Roux : « Pour soigner, il faut avoir le courage de regarder là où ça fait mal »

Nous avons rencontré Marie-Hélène Roux au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF). La réalisatrice nous a parlé de son dernier film, Muganga, un projet né il y a plus de dix ans, inspiré par le courage du Dr Mukwege et des femmes qu’il accompagne en République démocratique du Congo. Entre engagement, soin et espoir, elle nous explique comment son œuvre raconte une histoire à la fois poignante et porteuse de lumière.

Comment est né ce projet et qu’est-ce qui vous a donné envie de raconter cette histoire en particulier ?

Le projet a commencé en 2014, il y a donc plus de dix ans. Tout a été déclenché par la lecture d’un livre co-écrit par le Dr Mukwege et le Dr Kadier. J’ai été choquée par ce que je découvrais de la situation en République démocratique du Congo, un conflit qui perdure depuis 30 ans.

Mais j’ai aussi été fascinée par l’exceptionnel engagement de ces hommes, si différents et pourtant unis pour quelque chose de plus grand. Et surtout, par le courage des femmes qui se relèvent et l’entraide entre elles.

Cette histoire m’a touchée de manière très personnelle : je suis née au Gabon, j’ai grandi dans différents pays d’Afrique et ma famille est profondément liée au continent. Muganga, qui signifie « celle ou celui qui soigne », est devenu le cœur symbolique de ce film.

Que représente cette figure pour vous et comment s’incarne-t-elle dans votre film ?

Pour moi, Muganga représente avant tout le Dr Mukwege, mais également toutes les femmes qui participent à la guérison collective. Dans le film, cette notion de soin s’incarne à travers tous les personnages et leurs histoires. La guérison est collective et se voit dans la force et le courage de chacun.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué pendant l’écriture du scénario ?

Le plus difficile a été de trouver la justesse et l’équilibre. Entre les personnages masculins et féminins, il fallait que le film soit chorale. Il fallait aussi équilibrer ce que l’on peut montrer et ce que l’on ne peut pas montrer, afin que la joie, les chants et l’espoir soient à la hauteur du désespoir.

Comment avez-vous travaillé pour trouver le juste équilibre entre réalisme et dimension symbolique du film ?

C’est tout un travail artistique. Avec mon co-auteur Jean-René Lemoyne, nous avons passé beaucoup de temps à écrire, réécrire et peaufiner chaque scène. Ensuite, il fallait trouver les bons comédiens, les bons chefs de poste, et surtout compter sur une productrice exceptionnelle comme Cynthia Pinet. Son exigence et son engagement ont été essentiels : sans elle, ce film n’existerait pas aujourd’hui.

Comment s’est passée la collaboration avec les comédiens ?

Très bien. Tout le monde était investi par quelque chose de plus grand que le film lui-même : la cause qu’il défend. Cette énergie collective a beaucoup nourri le tournage.

Y a-t-il une image ou une séquence que vous considérez comme le cœur battant du film ?

Pour moi, c’est tout le film, mais une image reste particulièrement symbolique : celle du personnage de Blanche, interprété par Babettida Saggio, qui dort avec son bébé dans les branches d’un arbre. Elle représente à la fois la fragilité et la force de ces femmes.

Selon vous, quelle place a encore aujourd’hui le cinéma “qui soigne” face à un cinéma plus spectaculaire ?

Je pense que les deux peuvent coexister. Il est possible de faire un film spectaculaire et de soigner en même temps. L’art a cette capacité : un film peut toucher, émouvoir et soigner. Pour cela, il faut le courage de regarder là où ça fait mal.

Que représente pour vous le fait de présenter votre film au FIFF ?

C’est un honneur et un bonheur. C’est la première fois que je viens ici et que je montre le film à un public belge. Avec une coproduction belge, l’histoire touche directement le public et c’est très émouvant de partager cela ici.

Propos recueillis par Stéphanie

Photo : Médias tout azimut