Alice D’Hauwe : « Je voulais montrer le trou béant qu’on ressent quand on perd quelqu’un »

Nous avons rencontré Alice D’Hauwe au Festival International du Film Francophone de Namur (FIFF), où elle présentait son premier court-métrage La Moisson. Entre émotions intenses et confidences sur son processus créatif, la réalisatrice nous a parlé de deuil, de confiance avec ses acteurs et de la magie de moments inattendus sur le plateau.

Comment est née l’idée de La Moisson ?

À la base, je suis actrice et je n’avais jamais pensé à réaliser. C’était vraiment un projet qui n’existait pas encore pour moi. J’ai commencé par écrire une série avec Bérangère Mc Neese, et c’est à ce moment-là que l’envie d’écrire mes propres histoires est née.

Je voulais parler du deuil, car j’ai perdu mon père quand j’étais jeune. J’avais le même âge que le personnage du film, et pour un premier projet, ça me semblait être le meilleur thème pour démarrer : je l’avais vraiment vécu dans mes tripes.

Qu’est-ce qui était le plus important pour vous ? Raconter une histoire précise ou susciter des émotions chez le spectateur ?

C’était les deux, mais l’angle émotionnel a vraiment été mon point d’entrée. Pour moi, raconter factuellement la mort de quelqu’un n’était pas ce qui m’intéressait. Ce que je voulais, c’était montrer les émotions qui nous traversent, ce trou béant dans lequel on tombe quand on perd quelqu’un. C’est ce vertige-là que je voulais aborder.

Y a-t-il une image ou une scène qui, pour vous, contient l’essence du film ?

C’est difficile à dire, mais un moment qui condense beaucoup de choses, c’est quand elle se gratte le palais. On voit qu’elle ne parle pas, et ça révèle toute sa douleur intérieure, son traumatisme. Il y a quelque chose de presque sadomasochiste dans ces gestes, comme quand on se fait un peu mal pour se sentir encore vivant. Ce plan, même s’il n’est pas une scène complète, condense bien sa douleur.

Comment avez-vous travaillé pour faire passer autant d’émotions en si peu de temps ?

C’était un vrai défi, comme pour un court-métrage. Beaucoup de facteurs se sont combinés : le montage son, la force des acteurs, et surtout le mouvement. La caméra est très présente, elle bouge avec le personnage, ce qui aide le spectateur à traverser ces émotions avec elle.

Y a-t-il eu un moment inattendu ou magique pendant le tournage ?

Oui, plusieurs ! Déjà, la météo : il faisait vraiment horrible en juillet, et quelques nuits avant le tournage, tout s’est dégagé. Le moment où elle court dans les champs à la fin du film a été magique pour toute l’équipe. On était très loin d’elle avec la steadicam, et pourtant l’émotion a touché tout le monde : beaucoup ont pleuré.

Comment s’est passée la collaboration avec les acteurs, notamment la jeune fille ?

C’était délicat, car elle avait seulement 13 ans et il fallait aborder la mort avec respect. J’ai insisté sur le fait que le plateau devait être un espace de confiance et de respect. Très vite, elle s’est laissée guider et m’a surprise à de nombreuses reprises. Ruth Bécart, qui joue la maman, est une actrice flamande incroyable et a enrichi le film par sa présence. J’ai eu la chance d’avoir des actrices qui m’ont fait confiance tout en prenant des libertés créatives.

Voyez-vous La Moisson comme une étape vers un projet plus long ?

Oui. Après ce film, je me suis remise psychologiquement de l’expérience et je me suis lancée dans l’écriture d’un long-métrage. Pour l’instant, c’est un thriller, mais je ne peux pas en dire beaucoup plus !

Que représente pour vous de présenter La Moisson au FIFF ?

J’étais déjà venue ici en tant qu’actrice, donc c’est un honneur immense. Pour le film, c’est génial, car il n’a pas toujours été facile à produire. La reconnaissance et le fait qu’il soit enfin vu sont précieux pour toute l’équipe.

Propos recueillis par Stéphanie

Photo : Médias tout azimut